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La Rhétorique de Trump : Mécanismes de défense et déni de la réalité

La rhétorique de Trump utilise déni, projection et rationalisation pour construire un récit parallèle. En niant les faits, projetant ses failles sur l’autre et légitimant l’injustifiable, il érode la confiance dans le réel, fragmentant le corps social.


Comment ses discours utilisent le déni, la projection et la rationalisation pour construire un récit parallèle

La rhétorique de Donald Trump, marquée par sa virulence et son rejet des conventions politiques, offre un terrain fertile pour une analyse psychanalytique. Ses discours, souvent décrits comme disruptifs, s’appuient sur des mécanismes de défense archaïques — déni, projection, rationalisation — pour construire une réalité alternative. Ces stratégies, théorisées par Freud et ses successeurs, révèlent une dynamique inconsciente visant à protéger l’ego tout en façonnant un récit qui séduit une partie du corps social. Plongeons dans l’architecture de cette rhétorique et ses implications sur le discours collectif.


Le Déni : Refuser la réalité pour préserver l’illusion

Selon Freud, le déni (Verleugnung) est un mécanisme de défense qui permet de rejeter une réalité insupportable. Trump l’emploie systématiquement pour invalider les faits qui menacent son image ou son pouvoir.

  • Exemple emblématique : Le refus obstiné des résultats de l’élection présidentielle de 2020, malgré l’absence de preuves de fraude massive. En répétant « l’élection a été volée », Trump nie une réalité institutionnellement validée, créant un fossé entre vérité objective et croyance subjective.
  • COVID-19 : Minimisation initiale de la pandémie (« Cela disparaîtra comme un miracle »), malgré les alertes scientifiques.

Ce déni ne se contente pas de protéger son ego ; il forge un récit où lui et ses partisans deviennent les victimes d’un « système corrompu », renforçant une identité collective basée sur la méfiance envers les institutions.


La Projection : Accuser l’autre pour se dédouaner

La projection, selon la psychanalyse, consiste à attribuer à autrui ses propres pulsions ou défauts inavouables. Trump maîtrise cet art, retournant les accusations contre ses adversaires.

  • « Fake News » : En traitant les médias de « menteurs », il projette sur eux sa propre relation ambivalente à la vérité. Cette inversion transforme le critique en coupable, brouillant les frontières entre réalité et fiction.
  • Exemple politique : Qualifier Hillary Clinton de « malhonnête » (Crooked Hillary) lors de la campagne 2016, alors qu’il était lui-même visé par des enquêtes.

Ce mécanisme alimente un climat de paranoïa collective, où l’ennemi extérieur (médias, élites, opposants) devient le bouc émissaire de toutes les tensions.


La Rationalisation : Justifier l’injustifiable

La rationalisation permet de donner une logique apparente à des actions ou décisions contestables. Trump l’utilise pour légitimer des politiques ou comportements controversés.

  • Mur frontalier : Présenté comme une solution à la « crise migratoire », ce projet est justifié par des arguments sécuritaires (« Protéger l’Amérique »), masquant des motivations symboliques ou xénophobes.
  • Réformes fiscales : Les baisses d’impôts pour les plus riches sont vendues comme un « moteur pour l’économie », occultant les inégalités structurelles.

En habillant ses décisions d’un vernis rationnel, Trump construit un récit cohérent pour son public, même lorsque les faits économiques ou sociaux le contredisent.


L’Impact sur le discours collectif : Une réalité parallèle

L’usage combiné de ces mécanismes crée un récit parallèle, où la vérité est relative et soumise à l’autorité du locuteur. Comme l’écrivait Lacan, « la réalité est structurée comme un langage » : en contrôlant le discours, Trump redéfinit les paramètres du réel pour ses partisans. Cette déformation a des conséquences profondes :

  • Fragmentation sociale : Les faits deviennent une question de loyauté, divisant la société entre « ceux qui croient » et « les autres ».
  • Érosion de la confiance : Les institutions (médias, justice, science) sont discréditées, sapant les fondements du débat démocratique.

Les défis d’une clinique du politique

La rhétorique de Trump, analysée à travers le prisme psychanalytique, révèle moins une exception qu’un miroir grossissant des mécanismes à l’œuvre dans les discours populistes. Le déni, la projection et la rationalisation ne sont pas uniquement des outils de manipulation ; ils répondent à une angoisse collective face à la complexité du monde. Pour déconstruire ces récits, il faut aller au-delà de la factualité : comprendre les désirs et les peurs qu’ils exploitent. Comme le rappelait Freud, « l’illusion n’est pas l’erreur » — elle comble un manque. La tâche critique consiste alors à réhabiliter un langage capable de nommer le réel, sans céder à la séduction des simplifications.

« Là où était le Ça, le Je doit advenir. » (Freud) — Peut-être est-ce aussi au collectif de relever ce défi.

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